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Acheteurs publics : la définition du besoin, ce petit détail qui change tout

En matière de commande publique, l’erreur la plus fréquente n’est pas toujours juridique. Elle se niche souvent avant même la procédure, dans la définition du besoin.

L’article L.2111-1 du Code de la commande publique le rappelle avec clarté :

« La nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence. »

Cette obligation de définition précise du besoin n’est pas symbolique. Elle engage directement la responsabilité de l’acheteur public.

Une analyse insuffisante, imprécise ou défaillante peut être constitutive d’une faute, au sens du droit de la responsabilité administrative. Dans certains cas, même en l’absence de faute caractérisée, la collectivité peut voir sa responsabilité engagée pour risque, dès lors que la mauvaise définition du besoin a entraîné un préjudice pour un opérateur économique, pour le titulaire ou pour le service.

Autrement dit : mal définir son besoin n’est pas une simple maladresse opérationnelle, c’est un manquement juridique qui expose l’établissement à un risque contentieux bien réel.


Le vrai problème : le temps qu’on n’a plus

Sur le papier, tout semble simple. Mais dans la réalité, combien d’acheteurs publics ont encore le luxe du temps pour définir leur besoin comme il se doit ?

Entre les délais compressés, les urgences, les plannings budgétaires, les services sous-dotés et les équipes réduites, le temps de la réflexion a souvent disparu.

Et dans beaucoup d’organisations, les acheteurs publics ne sont pas toujours des acheteurs de métier. Ce sont des agents dévoués, souvent multi-casquettes, à qui l’on confie la fonction achat en plus d’autres missions. Ils font preuve d’un professionnalisme remarquable, souvent dans des conditions difficiles.

Ce qu’on appelle parfois une erreur, c’est souvent un exploit réalisé dans l’urgence.

Alors, par manque de temps, on fait ce que tout le monde fait : on reprend le dernier marché, on change la date et on relance. Mais les besoins, eux, ont évolué.


Quand la rapidité devient réflexe

Sous la pression, une autre solution s’impose souvent : recourir à une centrale d’achat — qu’il s’agisse de l’UGAP, d’UniHA, du Resah, d’Approlys, ou encore des centrales régionales et interhospitalières (4CA, IH Réa…).

Ces structures jouent un rôle essentiel, parfaitement encadré par le Code, et permettent de gagner un temps précieux.

Mais encore faut-il les utiliser en connaissance de cause. Car ce que l’on gagne en rapidité, on le perd parfois en appropriation du besoin :

  • fournisseur éloigné du terrain,
  • prestation standardisée,
  • et parfois même litiges ou insatisfactions inattendues.

Le recours à la centrale d’achat ne doit jamais remplacer le travail d’analyse. Il doit le compléter, pas le contourner.


Sourcing, benchmark et bon sens : les outils oubliés

Bien définir le besoin, ce n’est pas rédiger un cahier des charges : c’est comprendre le réel. Cela passe par :

  • le sourcing,
  • la veille et le benchmark,
  • l’écoute des utilisateurs finaux,
  • et la confrontation du besoin à la réalité du marché.

Trop souvent, ces étapes sont perçues comme du temps perdu. Elles sont en réalité le meilleur investissement pour éviter les erreurs.

Sans étude de marché, on définit un besoin sur une image du passé.


Le titulaire actuel : une mine d’or trop souvent ignorée

Autre ressource sous-exploitée : le reporting du titulaire sortant. Les bilans, les incidents, les avenants, les indicateurs de performance : autant de données précieuses pour améliorer la prochaine procédure.

Un an avant la fin du contrat, une analyse approfondie devrait être engagée :

  • exploitation des reportings,
  • étude des écarts et incidents,
  • prise en compte des évolutions technologiques et réglementaires.

Ce travail, loin d’être une contrainte, est la clé d’un besoin mieux défini et d’une commande publique plus maîtrisée.


Massification : une ambition ancienne, un défi toujours actuel

La massification des achats n’est pas nouvelle. Depuis la Révision générale des politiques publiques (RGPP) de 2007, puis la Modernisation de l’action publique (MAP) et la création des groupements hospitaliers de territoire (GHT), l’État et les établissements publics ont cherché à mutualiser leurs achats pour gagner en puissance et en économies d’échelle.

Mais cette logique, centrée sur les volumes et la rationalisation, s’est souvent faite sans renforcer les ressources humaines nécessaires. On a massifié les besoins, sans massifier les moyens.

Résultat : des équipes réduites, surchargées, mais toujours aussi investies et dévouées. Car il faut le dire : derrière chaque procédure, il y a des femmes et des hommes passionnés, qui tiennent la commande publique à bout de bras, avec sérieux, abnégation et sens du service.


Vers une mutualisation plus intelligente

Peut-être que la prochaine étape de la mutualisation n’est pas seulement dans le regroupement des achats, mais dans le partage des compétences.

Plutôt que de tout centraliser, pourquoi ne pas imaginer des dispositifs où la définition du besoin serait confiée à des acheteurs de terrain, ceux qui connaissent le mieux les usages réels et les contraintes opérationnelles ?

La commande publique gagnerait ainsi en cohérence, en efficacité et en proximité.


Redonner du sens à l’achat public

Définir le besoin, c’est un acte fondateur. C’est le moment où l’achat cesse d’être une formalité pour redevenir un projet collectif, au service d’un usage, d’un territoire, d’un soin, d’une mission publique.

« Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va. » —

Sénèque

Et vous, comment abordez-vous la définition du besoin dans vos organisations ?
Quels leviers utilisez-vous pour concilier rigueur juridique, compréhension du terrain et contraintes de temps ?

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